martes, 26 de junio de 2012

La santé zapatiste



MEXIQUE - L’autonomie zapatiste, IV - La santé

Erwan Bernier
Sommaire :

Un des premiers domaines où les zapatistes ont voulu faire valoir leur autonomie est celui de la santé. Il était de facto très difficile pour les indigènes d’aller se soigner. En effet, il est nécessaire de se rendre dans les grandes villes qui se situent souvent à plusieurs heures de route et, dans le même temps, il faut payer le transport. Il est évident que ce genre de trajet n’est pas accessible à tout le monde sur le plan financier. Qui plus est, en 2005, le Chiapas ne possédait que quatre-vingt-cinq personnels médicaux pour cent mille habitants ce qui en faisait le deuxième état du Mexique le moins pourvu en médecin alors que la moyenne s’élevait à cent trente-deux. En rapprochant les lieux de soins des lieux d’habitations, ils ont décloisonné les populations de leur isolement antérieur.

Comme c’est le cas pour les personnes travaillant dans l’éducation, les promoteurs de santé ne reçoivent aucun salaire et l’accès aux soins est gratuit pour les zapatistes, alors que les autres personnes doivent payer le prix qu’a coûté le médicament à la clinique. Pour autant nombre d’entre elles préfèrent tout de même se faire soigner dans les bâtiments zapatistes. Pourquoi ? A La Garrucha, on explique que c’est « parce qu’ici, on prête réellement attention aux gens. La santé n’est pas un commerce, nous privilégions l’aspect humain. Qui plus est, les gens travaillant dans nos cliniques parlent les langues indigènes, ce qu’il leur permet de comprendre ce dont souffre le patient ».

Dans la médecine des zapatistes, les plantes ont retrouvé leur place dans le but de guérir les maladies. A La Realidad, se tenait il y a peu de temps une exposition sur les vertus curatives des plantes. On rappelait ainsi que le poireau sert à soulager brûlures et piqûres, la bougainvillée sert à soigner la toux, la goyave la diarrhée et le bégonia pour l’herpès. Les exemples étaient nombreux. Ici on essaye coûte que coûte de préserver le savoir des anciens. Et si les plantes ne suffisent pas on se contente largement des médicaments génériques qu’on essaye de récupérer le plus souvent.
Les caracoles possèdent plusieurs micro-cliniques afin de rapprocher toujours plus le lieu de soin du lieu d’habitation des populations indigènes. Les zapatistes offrent donc une proximité que le gouvernement ne voulait pas ou ne souhaitait pas procurer aux populations rurales, même si les plus importantes se trouvent dans le centre de chaque caracol. C’est là notamment que les personnes peuvent se faire hospitaliser. Les cliniques zapatistes offrent de plus en plus de service : cabinet dentaire, laboratoire d’analyses, laboratoire d’optique, service de gynécologie. A La Realidad, on n’est même en train de construire un espace qui sera entièrement consacré aux femmes. Les zapatistes n’envoient leurs patients dans les cliniques du gouvernement s’ils n’ont pas les capacités de donner les soins nécessaires aux patients. Mais c’est vraiment en dernier choix car on ne veut faire aucune concession au gouvernement qui tente de multiplier les initiatives pour contrer l’influence zapatiste sans vraiment y parvenir. Symbole de cette hypocrisie, dans la zone du caracol de La Realidad, au début des années 1990 a été construit un grand hôpital rural avec un service d’urgence. Mais les routes pour y accéder sont dans un état tellement piteux qu’on ne dépasse que rarement les 25 km/h, ce qui paraît bien lent, surtout…en cas d’urgence ! D’ailleurs les zapatistes refusent de se faire soigner dans cet hôpital.
Mais les zapatistes mettent avant tout l’accent sur la prévention. Ainsi, la clinique d’Oventik regorge de conseils qui semblent plutôt respectés par la population : laver les fruits crus, ne pas faire ses besoins dehors, ne pas marcher pieds nus,…Autant de petits conseils qui permettent d’améliorer sa santé sans passer par la case hôpital, et donc, par là même, d’économiser de l’argent. Pour autant, tout est loin d’être parfait. Les latrines et les douches sont encore loin d’être un modèle de salubrité : un simple bout de plastique sert souvent à les séparer de l’extérieur. D’ailleurs de nombreuses personnes préfèrent encore se laver dans la rivière la plus proche et faire leurs besoins dans la nature.
Dans cette idée de prévention des maladies, l’accès à l’eau potable a été une priorité pour les zapatistes. Une brochure de la Coordination Autonome de Technologie Appropriée pour la Santé publiée en avril 2006 rappelait qu’au Chiapas la moitié de la population indigène n’avait pas accès à l’eau potable, alors que c’est un des états du Mexique où il pleut le plus. La brochure s’interroge ainsi à juste titre : « Pourquoi des gens vivant à côté d’une rivière meurent de soif alors que d’autres jouent au golf sur un terrain bien vert au milieu du désert. Mais à présent l’ensemble des caracoles possède des sources d’eau potable évitant ainsi la propagation d’un grand nombre de maladies.



Les règles d’hygiène ne sont pas encore excellentes. On a ainsi pu voir à Oventik un chien pénétrer assez facilement dans l’hôpital. Mais chacun est conscient qu’il y a encore beaucoup à apprendre. C’est un des inconvénients de l’autonomie. Les zapatistes doivent quasiment tout apprendre depuis le début d’où un nombre encore important de défauts qu’ils s’attachent cependant à corriger petit à petit. Tous sont d’accord qu’avec l’éducation, ce sont les deux chantiers principaux et qu’il faut sans cesse chercher à les améliorer.

La santé n’a pas de prix et les zapatistes s’attachent à le faire savoir. Soigner les gens est un devoir qui ne saurait se transformer en business. Ici, on ne cherche pas la rentabilité mais plutôt le bien-être des gens. Une mentalité à cent lieues de celle du gouvernement de Calderon.


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