miércoles, 12 de diciembre de 2012

Samuel Ruiz, après le massacre

Extrait d'interviews données à Samuel Ruiz, Evêque émérite de San Cristobal, défenseur de la théologie de la libération



A cette époque, avant les morts d’Actéal nous avions préparé une visite à la basilique de Notre Dame de Guadeloupe, dans l’intention de faire connaitre au monde entier ce que nous vivions, car les médias locaux, de l’Etat du Chiapas, et les médias nationaux qui couvraient tout le Mexique étaient en train de déformer les faits : ils cachaient des évènements et leurs informations étaient interprétées selon une fausse clé. ,Le pèlerinage avait pour but de dire au monde extérieur ce qu’il se passait au Chiapas. Mais le massacre d’Acteal survint pendant la préparation et il n’était plus nécessaire de faire connaitre les agressions paramilitaires et toute la machinerie mise en place pour enrayer le dialogue en faveur de la paix, les médias internationaux se faisant l’écho de la situation. L’objectif du pèlerinage en était changé : nous nous rendions auprès de la Vierge pour proclamer notre espérance. Notre espérance d’une issue possible, notre espérance d’un avenir de justice et de paix.



Je me souviens très bien de la participation des indigènes d’acteal. Le catéchiste actuel fut choisi pour dire une prière pendant la célébration à la basilique de Guadeloupe, et nous fumes tous émus. Emus par la logique de sa prière. Très différent de ce que nous attendions. Nous avions imaginé que ce serait une prière plaintive, exprimant à la Vierge toute la douleur, toute la souffrance vécue, lui demandant ensuite de l’espérance pour Acteal, de la force pour persévérer dans le bien. Mais que dit le catéchiste ? Il s’adressa ainsi à la vierge : « Notre Dame nous savons que ton coeur est triste.  Nous savons que tu souffres à cause de ce qu’il s’est passé chez nous. Nous sommes donc venus te consoler. » Ce n’était pas : «  nous sommes venus te demander ton aide, ta pitié pour nous. » C’était au contraire : «  nous sommes tes enfants, nous savons que tu es tristes donc nous voilà pour t’offrir notre réconfort. » Quelle logique frappantes ! Quelle foi profonde !

 

Les membres de la communauté d’acteal n’ont pas perdu la conscience de leur mission : annoncer la résurrection. Et ils le font par-delà les différences religieuses, puisqu’ils reçoivent des visites de partout. Je m’en suis rendu compte avant le premier anniversaire du massacre lors d’une visite dans cette communauté. Ils m’ont dit « Monsieur l’évêque, il y a des gens du monde entier qui viennent nous voir. » je me suis dit qui sait ce que ce frère entend par « le monde entier », peut être des gens des Etats Unis ou d’autres pays pas trop éloignés. Mais il ajouta ; « ils viennent même d’Australie. » Quand il a dit « Australie », j’ai compris qu’il avait raison car même ceux qui connaissent bien la géographie, songent rarement au continent australien. Nous avons tendance à l’exclure de notre représentation du monde, de même qu’en nous représentant l’Amérique Latine nous oublions parfois Haïti, Cuba et les Antilles.

Et ce frère précisa « la délégation australienne vient de partir, mais il en arrive une autre dans huit jour ». La communauté d’acteal est consciente d’être devenue une parole ouverte, une parole vivante offerte  à tous, une parole d’espérance. Et ses membres en prennent soin ;: ils ne cachent pas leur joie de recevoir ces visites, ils se sont organisés pour recevoir les visiteurs qui arrivent à tout moment, opportunément et inopportunément. Ils sont toujours là, prêts pour l’hospitalité et pour donner leur témoignage. Actéal est devenu une région missionnaire.

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