viernes, 22 de marzo de 2013

LUTTONS POUR LA #LIBERTADPATISHTAN, Fetons son anniversaire le 19 avril


Mercredi 20 mars 2013, dans les installations du Centre des Droits de l´Homme FrayBa, le professeur Alberto Patishtan, prisonnier politique du CHiapas a convoqué par voix télephonique une nouvelle étape a la recherche de la justice, et pour sa liberté.

Depuis la malheureuse décision de la Cour Supreme de Justice de la Nation (SCJN)  de ne pas revoir le cas, le recours juridique sur sa demande d´innocence se résoudra face au Premier Tribunal Colegial ce mois         d´avril. Pour ce motif, la famille de Patishtan, des Organisations CIviles, Collectifs, et Personnes, nous considérons qu´il est important de réaliser des actions pour exiger sa liberté.




AINSI NOUS VOUS APPELONS A NOUS REJOINDRE A CETTE ETAPE NOMMÉE

Luttons pour la Liberté de Patishtan, fétons son anniversaire.

Pour cela nous proposons les actions suivantes:

A. Nous voulons que tou-t-e-s ensembles nous arrivions a l´objectif, d´envoyer du 21 mars au 15 avril, 
4 686 cartes, une carte pour chaque journée passée en prison, dirigées au Président Ministre du COnseil Judiciaire Fédéral, Juan N. Silva Meza et aux Ministres du Premier Tribunal Colegial (Vous trouverez ici les cartes modeles a envoyer ainsi que les mails, et adresses)


Nous convoquons aussi a des actions sur les réseaux sociaux:

B- Sur facebook a partir du 23 mars, nous vous demandons de changer notre photo de profil pour la liberté d´Alberto Patishtan (l´image apparraitra dans le facebook de Alberto Patishtan www.facebook.com/alberto.patishtan) et nous t´invitons que chaque vendredi tu invites a tes ami-e-s de se joindre a cette action
C- Sur twitter nous voulons réussir a ce que chaque vendredi nous arrivions a 4 686 REtwits pour la #libertadPatishtan. Nous commencons ce vendredi 23 mars, et continuerons chaque vendredi, 29 mars, 5 avril, 12 avril et 19 avril. Donne un Retwit a #libertadPatishtan

D- Une autre action que nous proposons: Du 21 au 15 avril nous envoyons une photo, un poeme, une pensée, un dessin, une affiche, une chanson etc... pour la liberté de Alberto, pour feter son anniversaire, 42 ans. Vous pouvez envoyer vos messages a presoschiapas@gmail.com ou de maniere physique a Centro de Derechos Humanos Fray Bartolomé de Las Casas, calle Brasil No. 14 Barrio de Mexicanos, San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, México, C.P. 29240.


Ce que vous enverrez sera montrer durant les mobilisations du 19 avril et postérieurement pour donner a Patishtan toutes vos preuves de solidarité et de tendresse.

E. Pour le 19 avril, journée d´anniversaire de Patishtan nous appelons a des actions de mobilisations pacifiques, de forme simultanée au niveau nationale et internationale, exigeant la liberté de Patishtan.

Il serait important de donner des cartes physiquement dans les ambassades ou lieux de représentations officiels du Mexique.

Nous vous demandons de nous prevenir des actions que vous comptez réaliser le 19 avril et que de nous envoyer une photo ou/et vidéo de ce que vous aurez fait, a presoschiapas@gmail.com pour pouvoir informer par la suite les médias nationaux et le professeur Patishtan toutes les preuves de soutiens pour sa liberté

Centre des Droits de l´Homme Fray bartolomé de las Casas

Bulletin Centre des Droits Humains Frayba (es)
Qui est Alberto Patishtan?
Carte de soutien depuis la France
Action A.M.E.L,I
Blog de Alberto Patishtan (es)

Audios en español enregistrés la veille de la décision de la SCJN


Diffusion du film sur Rosa Lopez Diaz prisonniere injuste du Mexique


Projection du film Koltavanej sur la vie de Rosa Lopez Diaz prisonnière au Chiapas, Mexique




Tamazgha célèbre ses vingt ans…

Les samedi 30 et dimanche 31 mars 2013,

À La Parole Errante

9, rue François Debergue,

93100 Montreuil

Métro : Croix de Chavaux (ligne 9).

Tamazgha : vingt ans déjà ! C’est en 1993 que l’association Tamazgha a vu le jour à Paris. Sa première activité fut l’organisation de la « Journée du livre Amazigh » le 12 janvier 1993, jour de l’an Amazigh (berbère), à l’Inalco. En mars 1993, sa création est annoncée dans le journal officiel de la république française. Malgré le contexte particulier de combat dans lequel le monde Amazigh se trouve et dans lequel Tamazgha est engagée, nous tenons à marquer cet anniversaire par un premier évènement qui aura lieu les 30 et 31 mars à Montreuil, en région parisienne.Durant cet évènement plusieurs activités sont prévues, dont un salon du livre Amazigh, des projections de vidéos, une soirée musicale et un débat sur l’Azawad.
P r o g r a m m e
Samedi 30 mars


12h00 : Ouverture des portes.

À partir de 12h : Salon du livre Amazigh. Vente et dédicaces par les auteurs présents.

14h30 : CHIAPAS- MEXIQUE. Projection : Koltavanej – « Libération », 20 min.- Film en espagnol, sous-titré en français. Ce film a été réalisé par la compagne adhérente à la Sexta de l’EZLN Concepción Suárez, que nous remercions pour nous avoir permis de diffuser cette vidéo en France. Le film raconte en toute simplicité la vie de Rosa López Díaz, indigène tzotzile, qui a été condamnée à 27 ans et 6 mois de prison en mai 2007 et qui lutte en prison au sein de l’organisation « Los Solidarios de la Voz del Amate ». La projection sera suivie par une discussion avec le groupe « Les trois passants »

17h00 : Projection du film de Stéphane Gatti « Kateb Yacine, poète en trois langues ». La projection sera suivie d’un débat.
20h00 : Soirée musicale.
Dimanche 31 mars


13h00 : Ouverture des portes.

A partir de 13h00 : Salon du livre Amazigh .Vente et dédicaces par des auteurs présents.

15h00 : Projection du film « Teshumara les guitares de la rébellion touareg », un film de Jérémie Reichenbach 2005. Suivi d’un débat.
La naissance du groupe Tinariwen à l’aube des années 80 est intimement liée à la situation d’exil et d’errance du peuple touareg. Entre rock, blues acéré et musique traditionnelle, leurs guitares électriques saturées et leur chant de révolte d’errance et d’amour accompagnèrent toutes les étapes du mouvement de rébellion touareg jusqu’au plus fort des combats dans L’Azawad.

17h00 : Débat sur l’Azawad.

Entrée gratuite pour toutes les activités.
Bar et restauration sur place.
Tamazgha

jueves, 21 de marzo de 2013

Cartes a envoyer

CARTES A ENVOYER A

  1. Ministro Juan N. Silva Mesa
Consejo de la Judicatura Federal
  • La Poste: Insurgentes Sur 2417, San Ángel. Álvaro Obregón. C.P. 01000, México D.F.
  • Par fax au Telephone: +52 (55) 5490-8000 extensión 1072
  • Por courrier electronique a: luis.angulo.jacobo@correo.cjf.gob.mx,

2.- A los magistrados del Primer Tribunal Colegiado del Vigésimo Circuito
  • La poste: Palacio de Justicia Federal edificio C, planta baja, ala A Boulevard Ángel Albino Corzo N0. 2641, Colonia las Palmas, Tuxtla Gutiérrez, Chiapas, C.P. 29040
  • Par fax au téléphone: +52 961 6170294 extensión 1185
  • Par courrier électronique a: freddy.celis.fuentes@correo.cjf.gob.mx

Envoyer une copie des cartes a: freddy.celis.fuentes@correo.cjf.gob.mx


MODELE DE CARTE A ENVOYER

C. MINISTRO JUAN N. SILVA MEZA
PRESIDENTE DEL CONSEJO DE LA JUDICATURA FEDERAL
P R E S E N T E.

Apreciado Señor Ministro:

Tenemos conocimiento que en fecha próxima el Primer Tribunal Colegiado del Vigésimo Circuito, con sede en Tuxtla Gutiérrez, Chiapas, resolverá elIncidente de Reconocimiento de Inocencia número 4/2012, que promovió el Profesor Alberto Patishtán Gómez.

Durante su gestión como Presidente del Consejo de la Judicatura Federal de manera constante usted ha reafirmado el compromiso del Poder Judicial de la Federación de respetar, proteger, garantizar y promover los derechos humanos, también ha señalado que las resoluciones de los órganos jurisdiccionales federales se apegaran a los derechos humanos consagrados en la Constitución Mexicana y los Tratados Internacionales firmados por México.

Es un hecho notorio  el interés y la trascendencia que ha suscitado en diversos sectores de la sociedad nacional e internacional el procedimiento viciado y fraudulento que se le siguió al profesor Alberto Patishtán Gómez, en el que le fueron vulnerados sus derechos fundamentales al debido proceso y a la presunción de inocencia. Ello, incluso, motivó a que dos Ministros de la Primera Sala de la Suprema Corte de Justicia de la Nación votaran a favor para conocer del Incidente de Reconocimiento de Inocencia mencionado, siendo desacertadamente minoría.

En razón de lo anterior, los suscritos le solicitamos que se exhorte a los Magistrados que integran el Primer Tribunal Colegiado del Vigésimo Circuito,para que al momento de resolver el Incidente de Reconocimiento de Inocencia número 4/2012, promovido por la defensa del Profesor Alberto Patishtán Gómez,se conduzcan con la debida independencia, imparcialidad, objetividad, profesionalismo, transparencia, humanismo y compromiso social a que los compele el Código de Ética del Poder Judicial de la Federación, pero sobre todo en aras de garantizar los derechos humanos de acceso a la justicia y a la libertad, pilares fundamentales en un Estado democrático de derecho.

ATENTAMENTE
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SEÑORES MAGISTRADOS DEL PRIMER TRIBUNAL COLEGIADO DEL VIGÉSIMO CIRCUITO, CON RESIDENCIA EN TUXTLA GUTIÉRREZ, CHIAPAS: FREDDY GABRIEL CELIS FUENTES,  MANUEL DE JESÚS ROSALES SUAREZ Y SECRETARIO EN FUNCIONES DE MAGISTRADO.
P R E S E N T E S.

Señores Magistrados:


Por este conducto les solicitamos que en el momento en que se aboquen al análisis del Incidente de Reconocimiento de Inocencia número 4/2012, que promovió el Profesor Alberto Patishtán Gómez, revisen de manera minuciosa los argumentos vertidos en ese documento, tomando en consideración la interpretación más amplia de los derechos humanos del peticionario de conformidad con lo establecido en los párrafos primero y segundo del artículo primero constitucional.

Consideramos que los argumentos expuestos por el Profesor Alberto Patishtán Gómez son suficientemente convincentes para determinar por qué razón las tesis aisladas y las tesis de jurisprudencia que se encuentran compiladas en el Semanario Judicial de la Federación y su Gaceta constituyen documentales públicas innovadoras y, como tal, son eficaces para desvirtuar las pruebas en las cuales se sustentó la sentencia condenatoria que le fue impuesta al profesor.

Además estimamos que el H. Tribunal no puede obviar el hecho notorio reconocido no sólo por un amplio sector de la sociedad civil nacional e internacional, sino también  por autoridades Judiciales, del Ejecutivo Federal y por el Titular del Ejecutivo del Estado de Chiapas, concerniente a que al profesor Alberto Patishtán Gómez le fueron vulnerados sus derechos fundamentales al debido proceso y a la presunción de inocencia.



ATENTAMENTE

  

lunes, 18 de marzo de 2013

De paroles ardentes et de rêves rebelles : l’insurrection indigène

De paroles ardentes et de rêves rebelles : l’insurrection indigène 

Article original  le Grand Soir 

Le 1er janvier 1994, dans le sud-est mexicain, un groupe d’indigènes, le visage recouvert d’un passe-montagne et armés de fusils rustiques, défiait le gouvernement et l’armée du Mexique. Ils réclamaient la terre, du travail, un toit, de la nourriture, la santé, l’éducation, la liberté, l’indépendance, la démocratie et la justice pour les 56 ethnies de la République. La nouvelle d’un soulèvement populaire dans le coin le plus pauvre du pays faisait l’effet d’une douche froide autant sur la classe politique que sur les élites patronales, car à cette époque, l’information qui faisait la une des principaux média était la si fameuse entrée du Mexique dans la « modernité » à travers la signature du Traité de Libre Echange. En plus de souligner une relation asymétrique entre deux pays faisant partie du G8 et leur homologue mexicain, ce traité avait pour objectif la consolidation du modèle néolibéral. C’est pour cette raison que le mouvement néo-zapatiste faisait irruption sur la scène politique afin de dénoncer la comédie néfaste et abjecte préparée par le président de l’époque : Carlos Salinas (du Parti Révolutionnaire Institutionnel, PRI).

Dans un long entretien, publié sous le titre Marcos, le seigneur des miroirs, le sous-commandant insurgé Marcos expliquait : « Nous (les zapatistes) voulions démontrer que l’entrée du Mexique dans le premier monde reposait sur une imposture. Imposture non seulement à l’encontre des indigènes, comme le montra la crise de 1994-1995, mais aussi pour les classes moyennes et les classes laborieuses, comme on les appelait autrefois. Et même pour une frange importante du secteur des entreprises. Notre position coïncide avec la rupture des simulacres, nous disons que la mise en scène instaurée avait commencé à opérer, ou même qu’elle est déjà à l’œuvre dans d’autres pays qui sacrifient une partie importante de leur histoire et d’un secteur social ». [2]

Au début, le gouvernement a essayé de dénaturer non seulement le contenu du soulèvement indigène mais en plus, avec un mépris cinglant pour le monde indigène, il n’a pas hésité à soutenir que le soulèvement était manipulé par des groupes étrangers. Même le prix Nobel de Littérature, Octavio Paz, à l’instar de la grande majorité des membres de l’establishment culturel du pays habitué aux prébendes, aux sinécures et aux privilèges dont ils sont « gavés » [3] par ceux qui dirigent en donnant des ordres, suggérait que le soulèvement répondait à des intérêts extérieurs visant à plonger le pays dans une spirale de violence.

Dès ses premiers communiqués, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) se fit remarquer non seulement parce qu’elle était un groupe qui se réclamait de la révolution à une époque de « démocratisation » libérale et de la désintégration de l’Union Soviétique mais du fait de la rhétorique de son discours [4]. Ce groupe de « noctambules » donna l’impression d’arriver en retard dans le débat national et donc, de ne pas comprendre l’esprit des temps nouveaux.

Ironie de l’histoire, cette guérilla surgissait à un moment où était proclamée la fin de la lutte armée en Amérique Latine [5], selon le diagnostic de Jorge Castañeda, un sociologue mexicain, Secrétaire des Relations Extérieures sous le gouvernement de Vicente Fox (du Parti d’Action Nationale, PAN).


Irruption prophétique et espoirs intergalactiques.
« L’Eglise des pauvres », comme expression d’un Christianisme de la Libération, a accompagné les mouvements de résistance en Amérique Latine. Le rôle que jouèrent quelques membres du clergé, depuis la lutte contre le pouvoir colonial espagnol jusqu’à la rébellion héroïque contre le néo-libéralisme colonial du XXIème siècle, en passant par les luttes pour l’Indépendance au XIXème siècle et par celles de libération au cours du XXème, fait partie de la mémoire des mouvements d’émancipation latino-américains. Fort de l’antécédent de Vatican II, le noyau prophétique et subversif du Christianisme de la Libération reprit de la vigueur. Les séquelles du travail réalisé par les Communautés Ecclésiales de Base et les réseaux de base eurent un impact fort sur la formation et la configuration du mouvement zapatiste. Avec des emblèmes tels que les mythes messianiques, les stratégies utopiques et traditionnelles, les mouvements sociaux eurent la possibilité de créer et de proposer des projets alternatifs au pouvoir.

Dès qu’il fit irruption, le mouvement néo-zapatiste se montra original et global. Une date significative est le 27 juillet 1996, où Ana María, officier supérieur indigène, dans le discours inaugural qu’elle prononça à l’occasion de la Première Rencontre Intercontinentale pour l’Humanité et contre le Néo-Libéralisme, pointait deux globalisations. D’un côté, celle du capitalisme néo-libéral (d’esprit colonialiste) qui mercantilise tous les aspects de la société, qui homogénéise les gens et qui chosifie la nature et d’un autre, une mondialisation de la résistance, de la lutte et de la rébellion représentée par des peuples, des organisations et des individus qui cherchent à construire des passerelles pour un dialogue symétrique et fédérateur. Unis dans la définition de la problématique mais respectueux des différences. Dans ce sens, Marcos remarquait que « le mouvement indigène zapatiste est un symbole qui se refuse à être sacrifié sur l’autel d’un monde standardisé où toutes les différences sont soit intégrées et cessent d’être des différences ou bien elles sont éliminées. Le mouvement indigène refuse cela et il relève le défi. D’où la sympathie qu’il suscite dans des secteurs à l’origine aussi lointains du monde indigène que le sont les jeunes, les anarchistes, les émigrants, ceux qui ont été arrachés à leur terre, ici et là, en Europe, aux Etats-Unis et au Mexique (…) Nous travaillons à l’instauration d’une société où nous aurons une place sans que cela signifie que nous allons homogénéiser cette société. Nous travaillons à l’instauration de l’idée que tous doivent être des indigènes et que celui qui ne serait pas indigène devra disparaître ». [6]

La lettre de bienvenue que le Commandement lut aux participants de la Rencontre Intercontinentale de 1996 se terminait sur la devise suivante : Planète - Terre. Ce n’est pas un hasard si Naomi Klein reconnut l’importance de ce Meeting comme prémisse fondamentale à la constitution du mouvement altermondialiste et à la mise en marche du Forum Social Mondial en 2001 [7]
 

D’autre part, le discours éthico-politique néo-zapatiste est novateur dans le domaine linguistique, celui du jargon politique car il déterre les lieux communs. L’importance de la parole dans la lutte nous renvoie à la récupération de la mémoire, outre la charge symbolique de la non-contemporanéité du contemporain. Par exemple, le fait de « commander en obéissant » n’est pas seulement une pratique de résistance, alimentée par la tradition des communautés indigènes, qui « renvoie à un mélange de contenus relatifs au temps, le futur et le passé, l’aurore et le crépuscule ou le crépuscule et l’aurore sociaux » mais en plus, c’est une fusion entre politique et éthique qui s’oppose à la philosophie politique bourgeoise. Dans un autre entretien accordé au sociologue français Yvan Le Bot, Marcos confirme que « pour les zapatistes, les valeurs éthiques sont une référence fondamentale qui compte plus que la realpolitik. Les décisions des zapatistes contournent la realpolitik, car les zapatistes accordent plus de valeur aux implications morales ». [8]

L’élément éthique est incontournable dans le discours et dans la pratique zapatistes. Il est important de rappeler le fameux épisode de la capture par l’EZLN du général Absalon Castellanos Dominguez (militaire et gouverneur de l’état du Chiapas de 1982 à 1988, partisan du PRI) dans sa propriété « El Momón ». Après un jugement populaire, rendu par un tribunal militaire zapatiste, il ne fut pas condamné à l’échafaud mais à « vivre jusqu’au dernier de ses jours dans la honte d’avoir reçu le pardon et la générosité de ceux qu’il a aussi longtemps humiliés, séquestrés, dépouillés, volés et assassinés ». [9] Cette manière de concevoir la justice montre la probité et la stature morale du mouvement zapatiste et le distingue de tout autre type de mouvements sociaux. [10]. Selon l’expression de Walter Benjamin, la violence divine du mouvement zapatiste est encore plus violente et radicale que celle de nombreux groupes terroristes ou fondamentalistes. C’est la violence divine qui s’oppose à la violence structurelle.


La guerre de basse intensité : le massacre d’Actéal.

Walter Benjamin écrivit dans la sixième de ses Thèses sur la philosophie de l’Histoire : « Articuler historiquement le passé ne signifie pas le connaître ‘ tel qu’il a été vraiment’. Cela signifie s’emparer d’un souvenir tel qu’il étincelle en un instant de danger… Le seul qui ait le droit d’allumer dans le passé l’étincelle de l’espoir est l’historien traversé par l’idée que même les morts ne seront pas à l’abri de l’ennemi, si ce dernier est vainqueur. Et cet ennemi n’en a pas fini d’être vainqueur ».

Après une importante mobilisation nationale, le gouvernement et les zapatistes acceptent un « cessez-le-feu » et entament les Conversations de Paix, connues aussi comme « Le dialogue de la cathédrale », car elles eurent lieu dans la cathédrale de San Cristóbal de las Casas, avec la médiation de l’évêque Samuel Ruiz, [11] Dans une lettre datée du 16 février 1994, le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène et le Commandement Général de l’EZLN soutenaient : « Le mot de vérité qui vient du plus profond de notre histoire, de notre douleur, des morts qui vivent en nous, combattra avec dignité sur les lèvres de nos chefs. Le canon de nos fusils se taira pour que notre vérité parle avec des mots pour tous, les mots qui se battent dans l’honneur, il n’y aura pas de mensonge dans nos cœurs d’hommes authentiques. A travers notre voix, s’exprimera la voix du plus grand nombre, de ceux qui n’ont rien, de ceux qui sont condamnés au silence et à l’ignorance, qui ont été expulsés de leur terre et de leur histoire par la souveraineté des puissants, la voix de tous les hommes bons qui sillonnent ces espaces de douleur et de rage, celle des enfants et des vieillards qui sont morts dans la solitude et l’abandon, des femmes humiliées, des hommes humbles. A travers notre voix, s’exprimeront les morts, tellement seuls et oubliés, tellement morts et cependant tellement vivants dans notre voix et dans nos actes ».
 

En juin 1994, l’EZLN lança la Seconde Déclaration de la Forêt Lacandonienne pour exhorter la société civile à former une Convention Nationale Démocratique. On peut y lire que « toutes les formes de luttes permettant de favoriser le passage à la démocratie au Mexique sont nécessaires ». Parallèlement aux Dialogues de Paix, le gouvernement mexicain, à ses trois niveaux, déploya une stratégie de contre-insurrection dans tout l’Etat du Chiapas, et envoya l’armée harceler les communautés en rébellion. A la fin 1994, fut publiée la Troisième Déclaration de la Forêt Lacandonienne où l’EZLN appelle à « la lutte pour la justice, la démocratie et la liberté, par tous les moyens, à tous les niveaux et partout ». Cette Troisième Déclaration a pour contexte la crise économique qui condamna des millions de mexicains à la pauvreté et obligea une grande majorité d’entre eux à émigrer aux Etats-Unis. En outre, en décembre, les zapatistes parvinrent à briser l’encerclement militaire dans 38 municipalités de l’état du Chiapas.

Le 1er janvier 1996, fut publiée la Quatrième Déclaration de la Forêt Lacandonienne qui annonçait la création d’un Front Zapatiste de Libération Nationale (FZLN). Le sous-commandant Marcos prononça ces mots : « La démocratie dans un pays démocratique ne se limite pas à tenir des élections démocratiques. Elle signifie quelque chose de plus profond, à savoir la relation entre gouvernants et gouvernés… Le plus grand défi du Zapatisme est de proclamer qu’il est possible de faire de la politique sans se poser la question du pouvoir. Nous l’affirmons. Et nous parions : quel type de politique conduire sans la référence à la prise du pouvoir ? Quelle est la référence électorale ? La référence des partis politiques. Nous pouvons construire une formation politique sans envisager de prendre le pouvoir. Et nous l’affirmons. Ceci constitua la Quatrième Déclaration de la Forêt Lacandonienne où l’on peut lire : ‘Nous voulons une nouvelle façon de faire de la politique, créons une nouvelle organisation politique’. Pour que cela devienne concret, il faut respecter un processus » [12]

Nous fîmes remarquer qu’en un an, nous en étions à la quatrième Déclaration de la Forêt Lacandonienne. Pendant 12 mois, les zapatistes non seulement durent redéfinir leurs stratégies et leur positionnement sur l’échiquier politique mais aussi ils durent faire face à la guerre « de basse intensité » engagée par le gouvernement colombien. L’un des épisodes les plus ignominieux de cette « guerre de basse intensité » fut le massacre perpétré dans la communauté d’Actéal où, le 22 décembre 1997, furent assassinés 45 indigènes tzotziles, dont des femmes enceintes et des enfants. Le gouvernement de Felipe Calderon (2006-2012) et la majeure partie de la classe politique mexicaine non seulement assurèrent l’impunité aux auteurs intellectuels qui orchestrèrent cette action comme le chef de l’Etat d’alors, Ernesto Cedillo, conseiller de différentes entreprises privées nord-américaines, mais en plus, la Cour Suprême de Justice de la Nation, sous prétexte que le Ministère public avait fabriqué les preuves, ordonna la libération de près de 20 indigènes qui avaient été arrêtés et inculpés pour ce massacre. Ensuite, le 4 novembre, 9 paramilitaires furent libérés.
 
Il convient de mentionner que le 21 avril 2009, le Centre des Droits de l’Homme Bartolomé de las Casas et l’organisation civile « Les Abeilles » avaient informé de la possible libération de quelques paramilitaires qui avaient dû participer au massacre. Cependant, aussi bien pour la Cour Suprême de Justice que pour les « paladins du système », c’est-à-dire, les avocats du Centre de Recherche et d’Enseignement Economique (C.I.D.E.), l’inconsistance des preuves était un motif pour mettre en œuvre un recours en justice, qui impliquerait à la fin, la libération de 20 détenus. C’est en ce sens que nous pouvons ajouter à la liste des « mercenaires de la justice » [13] les noms de Hugo Eric Flores Cervantes-évangéliste et professeur au CIDE et d’Hector Aguilar Camin, directeur de la revue Nexos qui prirent part à la machination [14].

Dans le cadre d’une « guerre de basse intensité » livrée par l’Armée mexicaine contre les communautés autonomes zapatistes, le 22 décembre 1997, près de 90 paramilitaires proches du PRI firent irruption dans la chapelle où étaient en prières les habitants de la communauté autonome « les Abeilles » et les massacrèrent. Il est important de signaler que le groupe « Les Abeilles » était constitué de sympathisants de la cause zapatiste mais ils n’étaient pas zapatistes au sens strict. Il est évident que le massacre d’Actéal répondait davantage à une politique de contre-insurrection qu’à un « conflit entre indigènes », comme l’affirma le secrétaire du gouvernement et futur candidat PRI à la présidence Francisco Labastide Ochoa. Et même, dans un article publié le 20 décembre 2007, dans le journal mexicain La Jornada, Carlos Montemayor soutenait qu’il s’agissait d’un épisode d’une stratégie de guerre et par conséquent, la logique d’une administration de guerre prenait le pas sur la possibilité d’une solution politique.

Dans un climat d’amnésie délibérée, de répression systématique et de criminalisation des mouvements sociaux au Mexique, nous devons prendre au sérieux l’opinion de Walter Benjamin selon laquelle les morts ne sont pas à l’abri. Le massacre d’Actéal est un chapitre de plus de l’histoire qui nous met en garde contre « l’état d’exception », la règle sous laquelle nous vivons. Il ne faut pas oublier le massacre d’Actéal, il faut se souvenir que ce fut un crime d’Etat évident et donc, il faut agir en conséquence et exiger que les coupables soient châtiés. Pour l’heure, c’est la mémoire de la « dignité » qui les juge et les condamne.

Les douze années tragiques du Parti Action nationale [15]

Le 19 juillet 1998, fut publiée la Cinquième Déclaration de la Forêt Lacandonienne où sont consignées les demandes en matière de terre, de logement, de travail, de pain, de soins médicaux, d’éducation, de démocratie, de justice, de liberté, d’indépendance nationale et de paix dans la dignité. En plus d’exhorter la société civile à une consultation nationale pour la reconnaissance indigène et contre la guerre d’extermination, l’EZLN soulignait l’impérieuse nécessité d’une Réforme constitutionnelle en matière de droits et de culture indigènes et bien sûr, la prise en compte des Accords de San Andrés [16]

Après presque soixante-dix ans d’hégémonie du PRI, le Parti Action Nationale (PAN, parti conservateur et de tendance libérale) accéda à la présidence de la République mexicaine aux élections de 2000, à travers son candidat Vicente Fox [17]. La fameuse « transition vers la démocratie au Mexique » se traduisit par une accentuation et un approfondissement de l’agenda néo - libéral. Sous l’administration Fox, les salaires connurent une chute réelle, la migration vers les Etats-Unis augmenta (il y avait déjà en 2004 plus de 48 millions de mexicains de l’autre côté du rio Bravo), la flexibilité de l’emploi et la précarisation du travail accompagnaient la criminalisation des mouvements sociaux.

En février et mars 2001, l’EZLN allait entreprendre la Marche de la Couleur de la Terre et parcourut en 37 jours une distance de 6 mille kilomètres, marche qui se termina au Congrès le 28 mars. Leur but était d’exposer les causes de leur lutte, les requêtes et les exigences des peuples indigènes [18]. Il convient de mentionner que les membres du Parti Action Nationale n’étaient pas présents lorsque le Commandement de l’EZLN prit la parole au Congrès. En effet, depuis quand le noyau créole, constitué de gens bien, était-il un interlocuteur abordable pour les indiens ? Comment cela pouvait-il être possible ? Ces indiens du Chiapas qui remettaient en cause le système de classes !

Le 25 avril 2001 est une date significative pour le repositionnement politique de l’EZLN car ce jour-là, le Sénat approuva, grâce au vote des trois partis les plus importants (PRI, PAN, PRD), une réforme constitutionnelle en matière de droits indigènes. Cependant, cette réforme était radicalement différente de celle qu’avait proposée l’EZLN et trahissait même l’esprit des Accords de San Andrés. La gauche institutionnelle, c’est-à-dire, le Parti de la Révolution Démocratique découvrait finalement le vrai visage de ceux qui en faisaient partie : une ribambelle de profiteurs du Budget Public. Que rêver de mieux qu’un portrait en paroles du PRD fait par le Sous - Commandant Marcos ? :

« Le PRD, le parti des ‘erreurs tactiques’. L’erreur tactique, qui consiste, grâce à des pactes électoraux, à favoriser les affaires de familles déguisées en partis. L’erreur tactique de s’allier avec le PAN dans quelques états et en particulier au PRI. L’erreur tactique de la contre-réforme indigène et des paramilitaires de Zinacantan. L’erreur tactique de Rosario Robles [19) et les vidéos scandaleuses. L’erreur tactique de harceler et d’exercer la répression contre le mouvement estudiantin de la UNAM en 1999 [20]. L’erreur tactique de la ‘Loi Ebrard’ [21] et la ‘loi Monsanto’. L’erreur tactique de la ‘tolérance zéro’ importée de l’extérieur et de poursuivre jeunes, homosexuels et lesbiennes coupables du délit d’être différents. L’erreur tactique de trahir la mémoire de ses morts, d’accepter leurs assassins comme candidats aux élections et de recycler les exclus des candidatures du PRI. L’erreur tactique de convertir des mouvements populaires en bureaucraties partisanes et gouvernementales. L’erreur tactique du manque de clarté face à des mouvements de résistance et de libération dans d’autres pays, de s’incliner face au pouvoir nord-américain et de tout faire pour s’arranger avec les puissants. L’erreur tactique de l’alliance avec le narco - trafic dans le District Fédéral. L’erreur tactique de réclamer de l’argent aux gens en leur disant que c’est pour aider ‘ en sous-main’ les zapatistes. L’erreur tactique de faire une cour indigne aux secteurs les plus réactionnaires du clergé. L’erreur tactique de se servir des morts dans la lutte, comme carte valant impunité pour voler, dépouiller, corrompre, réprimer. L’erreur tactique de courir vers le centre, éperdu de bonheur, avec son chargement d’erreurs tactiques » [23].

Avec la contre-réforme indigène, le Parti de la Révolution Démocratique a démontré qu’il n’était qu’un parti comme tous les autres, sans divergences idéologiques de fond avec le PRI ou le PAN, en ce qui concerne les bagarres pour le budget et pour les charges publiques. Un parti qui s’était adapté à la logique de la démocratie libérale et opportuniste, un parti qui ne rechigne pas à accepter dans ses rangs des transfuges du PRI pour les recycler sur ses listes électorales. Le PRD se convertissait en parti de l’amnésie et de l’ignominie.

Suite à la trahison de la classe politique mexicaine, l’EZLN réalise que cette classe politique n’est pas la solution mais au contraire une partie du problème structurel dont souffre le pays. De sorte qu’en août 2003, les zapatistes créent les Juntas de Buen Gobierno (Ndt : Comités de Bon Gouvernement), réinterprétant ainsi tout un héritage de pratiques d’autonomie et d’autogestion inspirées des formes communautaires du monde indigène et paysan. Cette façon de relier l’autonomie aux formes de résistance aura un fort impact sur la configuration des mouvements sociaux anti - système en Amérique Latine [24]. Il est intéressant de noter cette défiance envers l’ancienne et traditionnelle classe politique de la part des mouvements sociaux dans différents endroits d’Amérique Latine.


Dans un autre ordre d’idées, nous ne devons pas détacher la lutte contre le narco - trafic des stratégies de contre-insurrection, phénomène qui s’est appliqué, et c’est toujours le cas au Mexique, sous le gouvernement de Felipe Calderon (2006-2012). Par exemple, en novembre 2010, la journaliste Laura Castellanos annonça : le « Commandant Ramiro », membre de l’Armée Populaire Révolutionnaire Insurgée (ERPI) fut exécuté au cours d’une opération contre le narco – trafic. Le Secrétariat de la Défense soutint que « le Commandant Ramiro » entretenait des liens avec le narco - trafic, cependant, une telle accusation n’a jamais fait l’objet d’aucun signalement. Dans le même ordre d’idées, Castellanos elle - même a déclaré : « Récemment, un responsable indigène du sud-est du Chiapas a été soupçonné d’entretenir des liens avec un autre groupe de narco - trafic. Il a été arrêté, des photos ont été prises et l’information a été divulguée dans la presse. Cependant, il a été remis en liberté par la suite par manque de preuves crédibles. Le pays passe par un moment très délicat car la seule stratégie qu’ait appliquée Felipe Calderon a été de faire circuler l’armée dans les rues et les zones rurales. Evidemment, cette stratégie a connu un échec retentissant et des plaintes concernant la mort et la torture de civils ont été ignorées. Dans ce contexte, les communautés indigènes qui ont assumé leur autonomie sont plus vulnérables, comme ce fut le cas de celle de Santa Maria Ostula, dans l’état de Michoacan, communauté qui non seulement fait face à une situation socio-économique marginale mais qui subit la violence de groupes paramilitaires liés au narco - trafic. Au cours de ces derniers mois, trois membres de l’organisation paysanne Bienes Comunales Casa del Pueblo (Ndt : Biens Communaux de la Maison du Peuple), entre autres le président Francisco de Asis Verdia Manuel, ont été enlevés et sont portés disparus, et l’on reste sans aucune nouvelle d’eux » [25].

L’accession du Parti Action Nationale à la Présidence de la République a conditionné la nouvelle répartition géographique et par conséquent, a déclenché une lutte intestine parmi les divers groupes criminels du pays. L’évasion, en 2001, de Joaquin Guzman Lœra, mieux connu sous le nom de « El Chapo Guzman » (Ndt : Guzman le Courtaud), chef du « Cartel de Sinaloa », révéla de façon évidente que le gouvernement fédéral s’était tourné vers un groupe criminel spécifique [26]. La classe politique, PRI, PAN, PRD, fait partie du crime organisé et vice-versa.


Sous le mandat de Calderon, l’EZLN a continué de pratiquer sa politique de « commander en obéissant » dans les communautés autonomes. Sans renoncer à engager un dialogue autant pratique que théorique, non seulement avec les principaux mouvements sociaux en Amérique Latine, mais aussi avec des intellectuels comme Pablo Gonzalez Casanova, Sylvia Marcos, Walter Mignolo, Enrique Dussel, Naomi Klein, Jean Robert, Immanuel Wallerstein, Raul Zibechi, John Berger, Gilberto Valdez entre autres, au cours du mois de décembre 2007, dans le cadre du Premier Colloque International In Memoriam de Andrés Aubry. Et deux ans plus tard au Premier Festival Mondial de la « Digna Rabia » qui fut célébré dans la ville de México, dans le Caracol de Oventik (Ndt : village zapatiste) et dans la ville de San Cristobal de las Casas. L’EZLN continua la lutte contre le système capitaliste, dans la mesure de ses possibilités, ainsi que contre les lourds assauts idéologiques de la démocratie représentative. La critique des armes et les armes de la critique, comme Marx aimait à dire, continuent d’être fondamentales dans la pratique zapatiste.

L’autre Politique

A la veille des élections présidentielles de 2006, l’EZLN publia sa Sixième Déclaration de la Forêt Lacandonienne. Sa structure mettait l’accent sur six points fondamentaux : 1) Ce que nous sommes 2) Où nous en sommes maintenant 3) Comment nous voyons le monde 4) Comment nous voyons notre pays, le Mexique 5) Ce que nous voulons faire 6) Comment nous allons le faire.
 
Dans le document, l’EZLN exposait clairement sa position face aux partis politiques qui « ont approuvé une loi qui ne vaut rien, car ils ont tué et enterré le dialogue et peu importe ce qu’ils décident ou ce qu’ils signent car ils n’ont pas de parole ». [27] Cependant, cette rupture avec la classe politique n’a pas signifié un regard passif, si fréquent parmi les universitaires et les chroniqueurs de pacotille, mais la résistance active et quotidienne dans les municipalités rebelles. La critique du système capitaliste et de sa logique destructrice est centrale dans cette déclaration. Ici réside une différence importante, car si avant l’EZLN s’en prenait à la globalisation néo - libérale, maintenant elle dénonce ouvertement le capitalisme et évidemment, son expression politique : la démocratie libérale bourgeoise.
L’autre politique « depuis le bas et pour le bas » que promeuvent les zapatistes n’est pas une création ex nihilo mais le fruit « de plusieurs siècles de résistance indigène et de l’expérience zapatiste elle-même ». Cela est précisément l’une des principales caractéristiques des mouvements d’émancipation latino-américains car, d’un côté, ils perturbent la politique bourgeoise à l’œuvre depuis le XVIeme siècle et de l’autre, ils minent à la racine la pesante chape de la colonialité du pouvoir. Au moyen de l’organisation horizontale, de l’auto - gestion comme mode de production, de la décentralisation des décisions (sur le plan politique et moral), de la démocratie « les yeux dans les yeux » et évidemment, d’une autre manière d’établir des rapports avec la nature, les mouvements sociaux latino-américains, en général, et les zapatistes, en particulier, consolident, la longue tradition libertaire des opprimés, tout en apportant de nouvelles expériences.

La colonialité du Pouvoir, lourde structure de domination, se fonde sur l’interaction entre la race, le genre et le travail. Cependant, cette structure, de même que le capitalisme, est l’expression de relations sociales historiques bien précises et donc, elle peut être transformée pour peu que nous modifiions notre réalité, à travers la praxis. Dans les communautés autonomes, on essaye de transformer cette structure de domination. C’est en ce sens que les mots de la Comandanta Hortensia éclairent la décision de démonter la « colonialité du pouvoir » enracinée dans l’imaginaire social. Pour elle, « par exemple, dans l’organisation politique, il y a eu des femmes à la direction de notre organisation, comme au Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène (CCRI), des responsables à l’échelon local et régional, ainsi que la nomination de nombreuses compañeras comme suppléantes au CCRI. Les femmes participent déjà aux assemblées villageoises, les femmes sont présentes aussi lors des ateliers politiques ou des assemblées générales, pour élire leurs responsables, par exemple les responsables municipaux, les Assemblées de Bon Gouvernement, des femmes sont agents municipaux, commissaires dans les communautés et les comités d’éducation. Et aussi pour élire les responsables politiques dans la communauté, comme les responsables locaux (…). C’est pour cela que nous les femmes ne devons pas rester à part. Nous devons nous préparer sans cesse. Pour pouvoir continuer et progresser le plus possible à tous les niveaux du travail. Si nous ne le faisons pas, nous qui appartenons encore à ce monde, un monde où nous les femmes n’avons pas de visage, de nom ni de voix pour les capitalistes et les néo - libéraux. Il est donc temps d’exercer et de faire valoir nos droits. Mais pour pouvoir mener à bien tout cela, nous n’avons besoin de rien d’autre que de la volonté, de la détermination, de la force et de l’esprit de rébellion. Nous n’avons pas besoin de demander la permission à personne. Tout ce que nous faisons est bien vrai, je n’invente rien. Nous l’avons démontré lors de la Troisième Rencontre, au Caracol de la Garrucha, il y a un an. Là, nous avons parlé et nous avons expliqué nos activités en tant que femmes. » [28].

Face à l’étonnement de quelques uns mal renseignés, la paresse d’autres un peu perdus et la déception de nombreux arrivistes, l’EZLN a décidé de ne pas se joindre au projet du candidat de la diligente Gauche Institutionnelle : Andrés Manuel Lopez Obrador. Une telle décision valut aux zapatistes de contourner non seulement l’encerclement militaire mais aussi un nouvel encerclement informatif. Il ne fait pas de doute qu’une partie de la classe politique et patronale du pays ne se sentait pas à l’aise avec la popularité croissante, dans certains secteurs de Lopez Obrador. En dépit des manigances et des arguties de Vicente Fox pour discréditer Lopez Obrador, ce dernier sut capitaliser le mécontentement social. Mais en 2005, quelle perception l’EZLN avait-elle de la figure de Lopez Obrador ?

« L’Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) qui fut propulsé au sommet de la démocratie ‘moderne’ (c’est-à-dire les sondages) grâce à l’absurde campagne du couple présidentiel. Celui qui convertit la mobilisation citoyenne contre cette campagne de discrédit en un acte de promotion et d’exhibitionnisme personnel. Celui qui ne prononça pas, lors de la mobilisation contre le discrédit dont il était l’objet, la phrase qui aurait été réellement souhaitable, à savoir : ‘Aucun dirigeant n’a le droit de prendre la tête d’un mouvement mobilisé pour une cause juste, si c’est pour l’annexer à son projet personnel de recherche du pouvoir et le négocier dans ce but et cela, en cachette de la majorité’. Lui qui appelle à une marche du silence et, loin de le respecter, il l’utilise pour s’adresser au Pouvoir et imposer à tous la parole d’un seul (…). Lui qui a pour principal ‘comité d’appui’ indigène au Chiapas les caciques et les paramilitaires de Zinacantan, ceux-là même qui ont attaqué la marche zapatiste le 10 avril 2004. Lui qui se voit déjà portant l’écharpe présidentielle (…). Lui qui s’est comparé avec Francisco I. Madero, oubliant que la similitude avec Madero ne se limite pas à l’image du démocrate emprisonné par Porfirio Diaz mais qu’elle englobe aussi le Madero qui forma son équipe gouvernementale aux côtés des partisans de Porfirio Diaz lui-même (il fut d’ailleurs trahi par l’un d’entre eux). Et aussi le Madero qui, se détournant des réclamations des pauvres, se consacra au maintien de la même structure économique d’exploitation, d’extorsion et de racisme que celle édifiée par le régime porfiriste. Andrés Manuel Lopez Obrador et les oiseaux de son entourage ont ‘oublié’ ces détails. Et surtout, ils ont ‘oublié’ que face à Madero, les zapatistes ont brandi le Plan d’Ayala. Ce plan à propos duquel Madero a prononcé à peu près ces mots : ‘Publiez-le, afin que tout le monde sache que ce Zapata est fou’. Mais laissons les histoires du passé et les comparaisons. Nous sommes au début du XXIème siècle et non pas du XXème(…). La proposition principale du programme présidentiel d’A.M.L.O. est ‘stabilité macro-économique’, c’est-à-dire, ‘profits croissants pour les riches, misère et dépouillement croissants pour les pauvres et un service d’ordre contrôlant le mécontentement de ces derniers’. Critiquer le projet d’A.M.L.O., ce n’est pas critiquer un projet de gauche, car ce n’est pas le cas, selon les déclarations et les promesses de Lopez Obrador au Pouvoir Suprême. Il a été clair et les seuls à ne pas le voir sont ceux qui ne veulent pas le voir (ou bien que cela n’arrange pas), cependant, ils continuent de le regarder et de le présenter comme un homme de gauche. Le projet d’A.M.L.O. est un projet du centre, comme il le dit lui-même (…). Si Salinas de Gortari fut quand il était au gouvernement, l’artisan exemplaire de la destruction néo-libérale au Mexique, Lopez Obrador veut être le paradygme de l’artisan du réordonnancement néo-libéral. Tel est son programme » [29]

Cela bien connu, après la catastrophe électorale et la fraude de 2006, la diligente Gauche Institutionnelle (qui pour les zapatistes « n’est qu’une gauche de la honte »), au lieu de procéder à une auto - critique sur la manière dont ils se firent rouler par la classe politique elle-même, avec laquelle ils allaient de pair dans des affaires ou dans des projets sur six ans (Ndt : durée du mandat présidentiel), il préféra passer son temps à vilipender le zapatisme [30]. Le président du PRD d’alors Leonel Cota Montaño et quelques « chroniqueurs à sa solde » rendirent coupable l’EZLN de la déroute de Lopez Obrador. Sans se donner le moins du monde la peine de saisir la reconfiguration politique et idéologique des mouvements sociaux, comprendre leurs objectifs (symboliques et matériels), ni réfléchir sur les conséquences que le silence complice (par exemple, celui de Lopez Obrador face au vote en faveur du PRD au Sénat à l’encontre des Accords de San Andrés ou celui de Cota Montaño face à l’hostilité du gouvernement de Juan Sabines, ex-PRI comme le précédent, contre les communautés zapatistes, parmi tant d’autres), silence complice que cette diligente gauche institutionnelle a observé face aux décisions ignominieuses et aux actions abjectes du Pouvoir.

Il est incontestable que les douze années tragiques (Ndt 6 ans x 2) virent s’exacerber le mécontentement, la frustration et le délitement social du fait de la violence structurelle constamment présente et de la justice sociale inexistante, une carence perpétuelle dans les sociétés post - coloniales. Il ne fait aucun doute que les séquelles de la situation sociale actuelle et la production en série de gens bons pour le rebut qu’elle engendre [31], apparaissent clairement dans les niveaux de pauvreté (31 millions de pauvres) et de corruption terribles qui règnent dans le pays (selon ce que laissent transparaître des observations internationales, au cours des six dernières années, le Mexique a rétrogradé de 33 places). Sur cette toile de fond, quelques secteurs de la société mexicaine décidèrent d’appuyer par la voie du Mouvement de Régénération Nationale (MRENA) la candidature réitérée en 2012 d’Andrés Manuel Lopez Obrador [32]. Evidemment, la stridente ritournelle des chroniqueurs de pacotille et des intellectuels organiques de la diligente Gauche Institutionnelle insulta la position de l’EZLN et d’autres mouvements sociaux (comme le Mouvement pour la Paix dans la Justice et la Dignité) qui ne s’alignèrent pas sur la campagne d’A.M.L.O. De nouveau, les indigènes zapatistes ne comprenaient pas ce qui se passait…

Pourquoi, en effet, puisque depuis 2005, l’EZLN, qui avait exposé sa position face à la politique de ceux d’en haut, la politique bourgeoise magique, devait-elle se replier sur un projet qui n’impliquait pas une rupture avec le capital ? Pour quelle raison, si depuis 2001, la diligente Gauche Institutionnelle avait déjà révélé sa position envers le pouvoir et sa faiblesse pour lui, alors qu’elle devait servir de gouvernail aux opprimés ?

La « faible force messianique » depuis la forêt lacandonienne.
Dans son célèbre ouvrage, Das Passagen Werk, Walter Benjamin interprétait la modernité comme « l’époque de l’enfer » [33]. Effectivement, pour Benjamin, l’époque moderne, située dans une temporalité vide, était définie par rapport au marché et à la logique du capital. La raison instrumentale joua le rôle d’une arme pour la domination des peuples et d’outil d’exploitation de la nature. Aujourd’hui, cette raison instrumentale n’est plus seulement un instrument mais une dictature. Le capitalisme comme religion, peut-être la plus féroce, la plus implacable et irrationnelle, qui ne consent aucun type de rédemption, menace de destruction l’Humanité et la Planète. Cependant, la vision prophétique de Benjamin renferme des possibilités de lutte, des moments de résistance, des lueurs d’espoir et de rébellion ; c’est la « faible force messianique » des victimes.

Les dieux de la mort, ceux qui se nourrissent de sang et des « valeurs en usage », ne reconnaissent pas de divinités autres que celles qui contribuent au « processus de valorisation ». Dès le XVIème siècle, les cultures méso-américaines ou pré - hispaniques de l’autre côté de l’Atlantique furent témoins des nouvelles divinités de la modernité : l’or et l’argent. Des millions d’indigènes moururent en extrayant l’or et l’argent des mines qu’ils appelaient : « la bouche de l’enfer ». De même que Moloch, la modernité naissante avait besoin de victimes. C’est alors que commence la longue nuit de 500 ans des peuples originaires. Par conséquent, ce n’est pas un hasard si la lutte des peuples originaires, premières victimes de la modernité, non seulement débouche, depuis un noyau éthico-mystique différent, sur la temporalité homogène et vide mais de plus, qu’elle soit confrontée à la rationalité instrumentale bourgeoise.

Pendant le Minuit de l’Histoire, lorsque l’Antéchrist se levait face à la complaisance des démocraties bourgeoises, deux juifs romantiques révolutionnaires formulèrent l’idée que la tradition des opprimés (W. Benjamin) et la non-contemporanéité des contemporains (E. Bloch) débordent souvent, dans la lutte elle-même, sur la temporalité vide du capital. Cette intuition n’a pas pu trouver de meilleure expression que dans le soulèvement insurrectionnel du sud-est mexicain [34]. En parcourant à cheval les forêts luxuriantes du Chiapas, en traversant les plaines et en vivant dans la forêt, les zapatistes, hommes et femmes, comme des éclairs de l’histoire, venaient interrompre le continuum de l’histoire. Le Ya Basta ! (Ndt : Ça suffit !) était la preuve la plus convaincante que « l’espérance ne nous est donnée que par ceux qui sont sans espoir » [35].

Tandis que la planète entière était dans l’incertitude à cause du présage maya de la fin du monde, le 21 décembre, plus de 40.000 indigènes, les bases d’appui zapatistes, réalisaient une marche du silence en nous montrant qu’ils continuaient à résister dans les montagnes, à lutter pour la justice, à marcher fièrement, à rêver d’un autre monde possible, à nous donner de l’espoir, mais surtout, une grande leçon de dignité.

Luis Martinez Andrade
Luis Martinez Andrade, sociologue mexicain. En 2009, il reçut le Premier Prix du Concours International d’Essai : « Penser à contre-courant ».

Rebelion a publié cet article avec la permission de l’auteur sous une 
licencia de Creative Commons, en respectant sa liberté de le publier sur d’autres sites.
Traduction Simone Bosveuil pour le Grand Soir

ALERTE A TENOSIQUE







ALERTE!
Les compagnons de l´Auberge la 72 nous envoient cette information:

Aujourd´hui, vers midi, nous avons recus deux menaces de la part du crime organisé qui opere a Tenosique.

Il faut signaler que ces dernieres semaines, nous avons accompagné beaucoup de personnes victimes de délits grave, comme un droit de passage, et des menaces de morts. Dénonciation faite aux representants du ministere de la justice du Tabasco.

Les faits sont les suivants:

1. Un homme est venu a la 72 pour nous dire que "les mafieux" l´avaient averti que cette nuit ils entreraient pour tous ce qui a été dénoncé, qu´ils savaient qui, et comment entrer dans l´auberge.

2. Ensemble avec Rubenm nous sommes allés au minisere pour dénoncer les faits et demander un accompagnement lorsqu´une de nos volontaire m´a appelé pour me dire de revenir a l´auberge de maniere urgente. En arrivant un des personnes qui avait dénoncé, m´a dit que sur les voix de train il avait rencontré des gens qui lui avait dit: "...ce qui nous interesse c´est la tete du pere, qui est face a tout ca, et de tous ceux qui parlent. Aujourd´hui nous allons pour eux a l´auberge..."

Face a tous ces témoignagne nous avons informé tous les corps de sécurité: Police Fédérale Ministérielle, Ministere de la justice, la Police Fédérale et l´armée Mexicaine.

Autour de 2 heures de l´apres midi, durant une opération de police sans coordination, ils ont arrete a 3 personnes, signalées par les migrants. Cependant ils n´ont pas arrete ceux que nous considérons comme les leaders principaux, parmis eux, le chef qui domine la bande qui opere entre Tenosique et Coatzacoalcos. Ce qui biensur nous met dans un risque et danger majeurs.

IL NE FAIT AUCUN DOUTE QUE LES AUTORITES NE FERONT PAS CE QU ILS DOIVENT FAIRE
ILS L´ONT DÉMONTRÉ

NOUS FAISONS UN APPEL URGENT A LA SOLIDARITE DE TOUS POUR QUE VOUS SOYEZ INFORME

Merci une fois de plus pour votre rapide et proche solidarité

Fray Tomas

domingo, 17 de marzo de 2013

la théologie de la libération

 ARTICULO EN ESPAÑOL


Entre la Croix et le AK
La Théologie de la Libération en Amérique Latine

"Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la Loi de Dieu"
Appel d'Oscar Romero aux soldats de l'Armée salvadorienne, à la veille de son assassinat

Les gouvernements la musèlent et assassinent ses adeptes, le Vatican l'exècre et veut la faire disparaître. Qu'est-ce donc que cette Théologie de la Libération qui a enflammé le continent latino-américain au point qu'un Pape ait voulu la mettre à genoux ?



I/ En bas et à gauche


La Théologie de la Libération est née sur le continent latino-américain.
L'expression est prononcée pour la première fois par le péruvien Gustavo Guttierez lors de la Conférence de Medellin, Colombie, en août 1968.

Cette Conférence réunit les évêques d'Amérique latine qui veulent étudier les orientations à mettre en œuvre pour appliquer les conseils de Vatican II. L'Eglise, en effet, veut s'ouvrir au monde et renforcer son engagement envers les pauvres. Le concept sera développé par Gustavo Guttierez dans "Théologie de la Libération", paru en 1972, de même que par des théologiens comme les brésiliens Frei Betto, Leonardo Boff, ou Hugo Assman, entre autres.

A la suite de la Conférence de Medellin, des milliers de prêtres, portés par leur foi, s'engageront dans la lutte en faveur des opprimés, à l'image d'un Christ de pauvreté et de justice.
En Amérique latine, dans les années 60/70, des séries de coups d'état militaires déstabilisent les pays et bouleversent totalement le continent. Les juntes au pouvoir torturent et assassinent dans le but d'éliminer toutes les forces de gauche; la situation est explosive.

Dans ce contexte, on peut supposer que les hommes d'Eglise ne peuvent échapper à deux figures importantes. La figure du Che, inévitable, et la révolution cubaine, et celle d'un prêtre colombien, Camillo Torres, qui, après avoir cherché à lutter légalement pour les droits des colombiens les plus pauvres, décide de prendre les armes en rejoignant en 1966 l'ELN (Ejército de Libéración Nacional) colombienne. Symbole du prêtre-guérillero, il meurt lors de son premier combat, à peine un mois après son entrée dans la guérilla.

Courant de pensée chrétien, la Théologie de la Libération est fondée sur la notion de "libération", en rapport avec la libération du peuple juif, qui, guidé par Moïse, se libère du joug de l'esclavage de l'Egypte, et traverse la Mer Rouge vers la Terre Promise. On veut libérer le pauvre du joug de la servitude et de l'exploitation.

C'est une théologie, donc un "discours sur Dieu". Mais c'est une théologie "d'en bas", c'est à dire que plutôt que de discourir sur un Dieu "dans les nuages", elle prend comme point de départ de sa réflexion le point de vue du pauvre et de l'opprimé.

En ce sens, sa dimension la plus importante est une dimension sociale et politique.
Elle critique les pouvoirs établis, les gouvernements. Lors de son 90ème anniversaire, Don Helder Camara, archevêque de Recife, Brésil, un des plus grands représentants de cette pensée, dénoncera " la persistance honteuse de la misère entretenue par les gouvernements et les élites."

Elle se situe nettement contre le capitalisme, qu'elle considère comme système injuste et ennemi principal du christianisme et des Evangiles puisqu'il idolâtre l'Argent, la Puissance, la Force et l'Individualisme.

Si la plupart des adeptes de la Théologie de la Libération ne se disent pas marxistes (marxisme et christianisme sont théoriquement antinomiques), elle flirte de près ou de loin et selon les époques et les lieux avec la pensée de Marx, ne serait-ce que parce qu'elle met en avant l'origine des dichotomies riche / pauvre, capitaliste / exploité, oppresseur/ oppressé. Le théologien Frei Betto affirmera que les marxistes et les chrétiens possèdent plus de points communs et d'objectifs similaires qu'on le suppose d'ordinaire.

Enfin, elle cherche son autonomie par rapport à un Vatican qui, éloigné des problèmes concrets de la pauvreté, soutient les pouvoirs en place et se fait trop souvent l'allié des régimes répressifs. Les Eglises d'Amérique latine, à partir des années 70 et à travers les communautés ecclésiastiques de base, tendent à s'auto-gérer et cherchent à se libérer d'un Vatican pour le moins autoritaire.

II/ Vatican ? Contre.

Une hostilité farouche du Vatican envers la Théologie de la Libération s'est déclarée dès l'élection de Jean-Paul II, en 1978.

Cette guerre prend ses sources dans les fondements même de la Théologie de la Libération. D'une part une haine pour le marxisme, de l'Eglise en général, et de Jean-Paul II en particulier. Polonais, il a vu en effet les révoltes populaires de son pays et les syndicats ouvriers matés violemment par le gouvernement de Gierek. De ce fait, il a rapidement passé des accords avec les Etats-Unis. Un problème se pose d'autre part avec le principe de l'engagement: selon les règles, un prêtre doit être neutre, ne doit pas montrer ses opinions. Mais s'engager pour le pauvre, c'est prendre position, c'est partager ses luttes! Or, la Théologie de la Libération est fondée justement sur cet engagement.

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En conséquence, le Pape a longtemps œuvré pour mettre au pas les prêtres qui refusent de se plier aux règles imposées par le Vatican.

S'il est allé se recueillir sur la tombe de Mgr Romero, archevêque de San Salvador et adepte de la Théologie de la Libération, assassiné en 1980 alors qu'il célébrait la messe, on lui reproche de ne pas avoir dénoncé les atrocités commises au nom de la contre-révolution salvadorienne et de ne pas avoir soutenu l'archevêque de son vivant, ou d'avoir montré trop d'égards à Augusto Pinochet, sans condamner les tortures et séquestrations du dictateur chilien.

Lors de son voyage à Managua, au Nicaragua, Jean-Paul II a fait subir une humiliation publique à Ernesto Cardenal. Ordonné prêtre en 1965, figure importante du Nicaragua et de la Théologie de la Libération, Cardenal a milité activement contre la dictature aux côtés des sandinistes. Après la chute de Somoza, il est nommé ministre de la Culture dans le nouveau gouvernement.

Lors du protocole, devant les caméras du monde entier, le Pape demande à Ortega, chef du gouvernement sandiniste, de rencontrer ses ministres. Ernesto Cardenal enlève son béret, se met à genoux et tente d'embrasser la bague du souverain pontif. Le Pape retire sa main, et brandit le doigt en direction de Cardenal: "Vous devez régulariser votre situation !" Et parce que Cardenal garde le silence, le Pape réitère sa demande, le tançant toujours du doigt. Cardenal fut suspendu par Rome.

Pour information, il quitta le FSLN (Frente Sandinista de Liberación Nacional) en 1994, jugeant le Président Ortega "trop autoritaire".

Plus tard, alors que le Pape célèbre la messe à Managua devant près de 700000 personnes, 17 mères, dont les fils ont été tués par des mercenaires envoyés par Reagan pour déstabiliser le gouvernement sandiniste, des mères donc, viennent demander au Pape de prier pour eux. En vain. Elles insistent, s'approchent trop près de l'autel.

"Silence !" crie le Pape dans son micro.

Plus personne ne l'écoute. Il aura bien du mal à finir sa messe; l'hymne sandiniste couvre ses mots et l'emporte.

Quel retour de bâton si l'on pense à Cardenal !

Six mois après le voyage de Jean-Paul II au Nicaragua, le Cardinal Ratzinger, alors à la tête de la "Congrégation pour la Doctrine de la Foi", héritière directe de l'ancienne Inquisition, publie un texte dans lequel il dit l'importance de ce que l'on appelle "l'option préférentielle pour les pauvres", lui accorde une vraie valeur, mais condamne vivement les dérives possibles dans le combat contre la pauvreté.

Le Vatican doit maîtriser les prêtres qui se mêlent de politique et s'engagent trop activement.

En 1996, Jean-Paul II a affirmé que la Théologie de la Libération était morte avec la Guerre Froide. Cette phrase nous dit bien l'importance que Vatican accordait à "son" combat.

Lors de la dernière nomination du Pape, en 2005, beaucoup de catholiques attendaient l'élection d'un latino-américain. Ratzinger devint le Pape Benoît XVI. De là à voir un complot pour tuer définitivement la Théologie de la Libération et ses adeptes, il n'y a qu'un pas.

III/ Prêtres-guérilleros et Hommes de paix

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Face à la faim et à la pauvreté d'une Amérique latine qui "s'ouvre les veines" pour nourrir un capitalisme dévorant, face à la torture érigée en droit par les gouvernements, des prêtres ont choisi le camp de la révolte armée.

Sans prendre les armes, à quelques rares exceptions près, ces prêtres-guérilleros, au risque de leur vie, ont soutenu et soigné les insurgés, ont continué de baptiser leurs enfants malgré les reproches des "bons chrétiens", ont nourri ou caché.

Frei Betto, au Brésil, rejoignit la résistance armée contre la dictature militaire en 1964. Il vint en aide aux révolutionnaires, les aida à franchir les frontières de l'Uruguay et de l'Argentine. Cette activité lui coûta cinq ans de prison. Gaspar Garcia Laviana, prêtre espagnol vivant au Nicaragua, a rejoint le FSLN en 1977. En 1970, le séminariste Nestor Paz, en Bolivie, participe à la guérilla de l'ELN, fondée par Che Guevara.


L'importance de la Théologie de la Libération au Mexique ?

Elle se manifeste en même temps que l'histoire récente du Chiapas, à travers la figure respectée de Mgr Samuel Ruiz. Evêque de San Cristobal de 1959 à 1999, il en a été le représentant énergique pendant plus de quarante ans. Homme de paix et de justice, il a consacré sa vie aux droits des populations indiennes du Chiapas, il a permis qu'elles fassent entendre leurs voix lors du Congrès Indigène de 1974, il a été le médiateur infatigable entre l'EZLN et le gouvernement, et a tenté de construire une église digne et respectueuse des droits humains.
Son successeur attendu, Mgr Raúl Vera, aurait dû nommé évêque de San Cristobal, comme l'aurait voulu la coutume, selon les règles de l'Eglise. Au lieu de cela, on le nomma évêque de Saltillo, histoire de l'envoyer bien loin du Chiapas, à la frontière américano-mexicaine.

Vatican n'aime pas la Théologie de la Libération.
Mais oublie la force de ses adeptes.

L'évêque poursuivra donc son combat à Saltillo, pour les droits de l'homme et le respect de la dignité. Il s'engage auprès des migrants, dénonce la corruption, l'exploitation économique ou la guerre déclarée par Felipe Calderón aux narco-trafiquants.

Il s'implique activement au côté d'associations pour les droits des homosexuels et dénonce "la discrimination, les violences, le rejet social et familial dont est victime cette population au Mexique".
En août 2011, il se voit convoqué au Vatican: on lui reproche son engagement auprès des homosexuels.

Afin que les pauvres de l'Amérique Latine retrouvent la dignité, les adeptes de la Théologie de la Libération, soutenus par leur foi, ont lutté, luttent, au prix de leur vie parfois, avec courage toujours, contre la misère et l'oppression qui maintient les populations dans le dénuement et l'asservissement.

Suffoquant face à la misère extrême et à la tyrannie de la torture, quelques-uns ont choisi de prendre les armes. Les plus nombreux se sont engagés pacifiquement au côté de l'opprimé, lui apportant aide et soutien et n'hésitant pas à dénoncer les injustices et les violences.

Face à l'intolérance et à la répression d'un Vatican qui leur intime de se taire et de faire alliance avec les puissants, ces hommes de Dieu ont choisi de désobéir.